Troisième partie : «Je ne suis pas féministe, je suis humaniste»
Une autre façon de se distancier du féminisme est de l’opposer au terme “humanisme”. L’actrice Susan Sarandon, qui continue de militer pour les droits des femmes en matière de reproduction, préfère ce vocable plus neutre et moins controversé. Dans une entrevue au journal The Observer, elle a affirmé qu’elle se considérait humaniste parce que «C’est moins aliénant pour ceux qui perçoivent le féminisme comme une horde de mégères stridentes et parce qu’il faut que tout le monde ait accès à l’égalité […] »[1]. On peut comprendre que l’actrice en ait eu assez de se faire attaquer pour son féminisme et qu’elle désire être mieux perçue, mais l’humanisme et le féminisme ne sont pas interchangeables. Selon le dictionnaire Robert, l’humanisme est une doctrine qui prend pour fin la personne humaine et son épanouissement. Cet épanouissement de l’être humain ne peut se réaliser sans avoir obtenu, préalablement, l’égalité entre les sexes. Le féminisme serait donc un premier pas vers le vrai humanisme.
Pour que les hommes et les femmes avancent côte à côte sur le même chemin, on doit, avant toute chose, s’assurer qu’ils partent du même point. Malheureusement, nous ne sommes pas encore égaux dans nos inégalités et ces dernières ne sont pas le fruit du hasard. Si on souhaite réellement faire avancer les droits des femmes (ou de n’importe quelle minorité), il importe de reconnaître les discriminations structurelles dont elles sont l’objet. On ne peut être en mesure d’amoindrir les difficultés que vivent les femmes à cause de leur sexe, sans nommer les situations problématiques, identifier les mécanismes qui les engendrent, et s’y attaquer. Je vois donc difficilement comment il serait possible d’arriver à développer des outils efficaces pour prévenir l’oppression des femmes en se privant de cet angle d’analyse qu’est le féminisme.
Conclusion
Il est clair que le féminisme provoque un malaise. Comment remédier à cette situation? En le rendant plus attrayant avec des images de femmes aux corps parfaits? En le camouflant dans un humanisme englobant pour qu’il paraisse moins menaçant? Mais à qui cherchons-nous à plaire en faisant cela? Le féminisme ne pourra jamais séduire ceux qui tiennent à conserver leur position privilégiée au détriment des femmes. Selon la journaliste et blogueuse féministe Meghan Murphy, le fait qu’on veuille changer l’image du féminisme en dit long sur le succès de la campagne de salissage dont il est victime[2]. Pourquoi laisser les antiféministes définir le féminisme? Et si nous étions plus nombreuses et nombreux à accepter de s’afficher comme féministes, à expliquer ce que ça signifie vraiment, peut-être pourrions-nous contribuer à le démystifier et par le fait même, faire contrepoids à ses détracteurs?
- Traduction de l’auteure. http://www.theguardian.com/theobserver/2013/jun/30/susan-sarandon-q-and-a ↩
- Traduction de l’auteure. http://feministcurrent.com/3425/equalism-bootylicious-lets-call-the-whole-thing-off/ ↩